Regards

Mes regards - et ceux des autres - sur le monde d'aujourd'hui et de demain. Chroniques axées sur les mouvements de société, j'y décrypte des clichés et des actualités, mais aussi la culture...

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Par Clémence Bouquerod
24 mai · 4 mn à lire
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Lettre à mon endométriose et mon SOPK

En me réveillant ce matin, alors que la date de mon opération approche, j’ai eu envie de vous confier mon parcours avec l’endométriose et le syndrome des ovaires polykystiques. En espérant que celui-ci fera échos, qu’il apportera une pierre à l’édifice que sont tous les témoignages autour de ces maladies chroniques – et handicapantes.

Cette semaine, je vais vous parler à cœur ouvert d’un sujet un peu plus personnel, sur lequel je n’ai presque jamais pris la parole sur mes réseaux sociaux et dans mon travail : ma maladie, mon endométriose. Et plus récemment découvert, mon syndrome des ovaires polykystiques. J’ai envie de vous en parler pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce qu’il est important de multiplier les témoignages pour démocratiser ces maladies. Aussi, parce que j’en ai marre d’avoir honte, parce que j’ai besoin d’assumer et de le dire haut et fort. Mais, surtout, parce que j’ai pris conscience que ma santé devait passer avant tout. Avant même le travail, avant même ma passion qu’est de créer. Au même titre que ma santé mentale m’empêche parfois de faire certaines choses (comme par exemple de vous poster cet article à temps), je dois faire passer ma santé avant ma vie personnelle et professionnelle. Je dois m’écouter.

La fin d’année 2022, c’est ce que j’ai fait. J’ai préféré ne pas poster de newsletter et gérer mes urgences en priorité, puis j’ai profité de mes quelques jours de vacances pour prendre de l’avance sur Regards – sans vous prévenir, honte à moi, j’avoue. La raison est simple : j’étais éreintée, anxieuse. Je sortais d’un tunnel de boulot, je remontais à la surface après des mois très chargés – je vous l’avais dit dans mon dernier article, je bosse (évidemment) toujours autant malgré ma chronique sur Paresse pour tous. Question de passion ! Mais pour Regards, pas de pression, on a dit, non ? Alors, si j’arrive à m’écouter (un minimum) lorsqu’il s’agit de santé mentale, si j’arrive à prendre soin de moi lorsque mes troubles de l’anxiété s’amplifient, pourquoi vouloir toujours être plus forte que ma maladie et que ma santé physique ? 

Chez vous aussi, la question reste en suspens ?

Endométriose, maladie chronique, nom féminin :

  1. Maladie gynécologique inflammatoire pouvant toucher toute personne ayant un utérus. Elle se caractérise par le développement d'une muqueuse utérine similaire à l'endomètre en dehors de l'utérus et peut aller jusqu’à coloniser d'autres organes avoisinants.

  2. Maladie dont les symptômes peuvent être des pertes de sang abondantes, de fortes douleurs pelviennes ou dans tout le corps (au quotidien, pendant les règles, l’ovulation et/ou les rapports sexuels), de la fatigue intense, des nausées, des troubles digestifs, urinaires ou de transit, des risques de stérilité, une sensibilité exacerbée, etc.

  3. Maladie qui met en moyenne 7 ans avant d’être diagnostiquée.

  4. Maladie qui toucherait environ 10% à 20% des personnes ayant un utérus – sans compter toutes les personnes non-diagnostiquées.

 

Syndrome des ovaires polykystiques ou SOPK, maladie chronique, nom masculin : 

  1. Maladie endocrinienne qui se caractérise par un dérèglement hormonal d’origine ovarienne et/ou centrale, pouvant toucher toute personne avec un utérus. Entraîne une surproduction d’androgènes et parfois de testostérone. 

  2. Maladie dont le nom vient des années 1930. On pensait alors observer des kystes dans les ovaires des patientes, alors que ce sont en réalité des multitudes de follicules (ndlr, structures situées dans les ovaires où se développent les ovocytes, qui pourront ensuite être fécondés ou non) au développement inachevé. 

  3. Maladie dont les symptômes peuvent être des cycles irréguliers ou absents, des problèmes de fertilité, de peau, de cheveux, d’hyper-pilosité, de sommeil, des difficultés à perdre du poids, des follicules et/ou kystes autour des ovaires, une augmentation des risques de troubles psychologiques et de diabète. 

  4. Maladie qui toucherait environ 10% des personnes ayant un utérus, première cause d’infertilité. 

Ma lettre

Le 3 janvier 2023

Chère endométriose,

On est parties d’un mauvais pied, toi et moi. Je ne t’ai pas toujours acceptée, loin de là. Lorsque j’ai eu mes règles pour la première fois sur le tard et toutes les fois d’après, toujours abondantes et douloureuses à m’en plier (presque) en deux, je n’ai pas compris tout de suite que quelque chose n’allait pas. Que tu t’étais déjà installée. Toute ma vie, on m’avait prévenue : « Tu verras Clémence, les règles, ce n’est pas facile. Ça fait souffrir mais ça va, ce n’est qu’une fois par mois. Et puis tout le monde le sait : il faut souffrir pour être belle ! (Rires) » Quelle tannée, cette misogynie répétée dès le plus jeune âge. C’est lorsque ça a pris des proportions intenables que j’ai décidé d’agir, de voir un·e professionnel·le de santé.

Je m’étais renseignée et me doutais déjà que tu étais là. J’avais 16 ans. Soutenue (et crue) par ma mère qui avait un vécu similaire – avec une endométriose diagnostiquée à l’aube de sa trentaine, j’ai vite été prise en charge… et aussi vite mise en doute. « Vous savez, ce n’est pas héréditaire, hein. Il faut arrêter avec ça, ce n’est pas une mode ! Vous n’avez rien, c’est normal d’avoir mal. » Ce jour-là, je suis non seulement repartie de mon rendez-vous gynécologique avec une pilule qui n’a fait qu’empirer les choses mais je me suis sentie incomprise. On m’avait presque fait croire que je mentais. Ce premier rendez-vous a développé un premier mal-être. Malgré un soutien sans faille de mon cercle familial, j’ai décidé de ne plus me plaindre. J’ai pris ma pilule tous les jours, et je me suis tue. Au bout de quelques années, de fatigue intense et de crises qui m’ont valu quelques tours aux urgences, avoir mal sans savoir pourquoi était de plus en plus difficile. J’ai alors commencé ce que j’appelle ma « succession de pilules » en enchaînant les rendez-vous gynécologiques. On en a essayé des choses pour atténuer tes symptômes, n’est-ce pas ? Toujours aucune trace de toi, en revanche. Ce cirque a continué des années encore avant qu’une amie me conseille d’aller voir un médecin spécialisé à Lyon. En un rendez-vous, le 20 décembre 2019, le diagnostic était posé. Pourtant, parler de toi publiquement et, encore pire, me reconnaitre la vérité restait difficile. J’étais malade et je ne voulais pas le voir, je voulais l’oublier. Quelques essais de traitements plus tard, j’ai enfin décidé de suivre la recommandation du médecin : me faire opérer. 

 

Cher syndrome des ovaires polykystiques,

Nous venons de nous rencontrer. Enfin, plutôt, je viens d’apprendre ton existence : cela ne fait que quelques semaines que je sais que tu tiens compagnie à mes ovaires. On t’a repéré pour la première fois lors d’un rendez-vous préopératoire, par hasard lors des examens. Ce jour-là, j’ai compris mes problèmes de sommeil, de kystes, de fluctuation de poids. J’ai enfin compris de nombreuses choses sur moi (et mes hormones). J’ai surtout compris que tu faisais désormais partie de ma vie. 

Aujourd’hui, j’ai envie de vous assumer pleinement. De parler de vous et d’oser livrer plus de détails. De vous connaître par cœur et de savoir anticiper mes crises de douleur, mes pertes, mes fluctuations d’hormones et d’émotions. Je n’ai pas envie de me définir par ces maladies mais, malgré moi, je dois reconnaître qu’elles me définissent forcément un peu. Elles ne n'empêchent pas au quotidien mais c'est une réalité, je vais toujours devoir penser à prendre une bouillotte, des culottes menstruelles, du CBD et des médicaments lorsque je pars quelque part. Je dois reconnaître aussi ma chance : je suis privilégiée et surtout prise en charge. Il y a des endométrioses et des SOPK à des stades bien plus avancés, dans des endroits où l’accès au soin est bien plus difficile. Il y a, bien sûr, de nombreux autres problèmes de santé plus graves ou handicapants. 

Dans un mois, j’aurai été opérée. Et si je dois avouer que l’inquiétude prend beaucoup de place dans mes pensées, je suis fière d’avoir dépassé mes peurs et mes a priori. D’avoir réussi à prendre rendez-vous et à fixer une date, enfin, après presque 3 ans d’hésitation. J’ai toujours peur, vous vous en doutez bien, mais j’ai aussi beaucoup d’espoir. C’est une solution que je n’ai pas encore testée. Et si c’était ce dont j’avais besoin pour mieux vivre la maladie, avoir moins mal ? Et si j’avais besoin de ce déclic pour, pour une fois (et pour de bon), prendre vraiment soin de moi... et m'écouter ?

 

D’autres Regards pour mieux comprendre et en savoir plus :

-       Article de l’Inserm sur le SOPK

-       Association SOPK Europe  

-       Article de l’Inserm sur l’endométriose

-       Mon article PAUL·E de témoignages autour de l’endométriose

-       Le lab de l’Endo et mon article PAUL·E sur le Lab de l’Endo

-       Association Info Endométriose

-       Floriane de Flo et alors, co-réatrice du Lab de l’Endo

-       Fanny, de Chère Endométriose

-       Balance ton endométriose

-       Anaïs Koopman

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